Week-end à Londres ... page 1/page 2

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En mer, [3 juillet 1873]

       Mon ami,
   Je ne sais si tu seras encore à Londres quand ceci t'arrivera. Je tiens pourtant à te dire que tu dois, au fond, comprendre, enfin, qu'il me fallait absolument partir, que cette vie violente et toute de scènes sans motif que ta fantaisie ne pouvait m'aller foutre plus !
   Seulement, comme je t'aimais immensément (Honni soit qui mal y pense) je tiens aussi à te confirmer que, si d'ici à trois jours, je ne suis pas r' avec ma femme, dans des conditions parfaites, je me brûle la gueule. 3 jours d'hôtel, un rivolvita, ça coûte : de là ma "pingrerie" de tantôt. Tu devrais me pardonner. - Si, comme trop probâble, je dois faire cette dernière connerie, je la ferai du moins en brave con. - Ma dernière pensée, mon ami, sera pour toi, pour toi qui m'appelais du pier tantôt, et que je n'ai pas voulu rejoindre, parce qu'il fallait que je claquasse, - ENFIN !
   Veux-tu que je t'embrasse en crevant ?

Ton pauvre
P. Verlaine.

    Nous ne nous reverrons plus en tout cas. Si ma femme vient, tu auras mon adresse, et j'espère que tu m'écriras. En attendant, d'ici à trois jours, pas plus, pas moins, Bruxelles poste restante, - à mon nom.
    Redonne ses trois livres à Barrère.

England.

M. Arthur Rimbaud,
8 Great College Streer,
Camden Town, N. W.
London

Very Urgent

or, in case of a departure, Roche, canton d'Attigny,
Ardennes,
France (chez Mme Rimbaud)